C’est une interview de Serge Bragaru. Diplômé de l’Université nationale Illia Metchnikov d’Odessa, actuellement il vit et travaille en France.

Odesa-Paris, communication audio, 13 novembre 2018.

Sonia: Bonjour, moi c’est Sonia.

Sandrine: Moi c’est Sandrine.

Sonia: Nous sommes étudiantes de l’Université Metchnikov. On a juste quelques questions à vous poser par rapport à beaucoup de choses. Cette année (année d’études 2018-2019), en Ukraine c’est l’année de la langue française. Dans le cadre de cette année on a créé ce projet avec des interviews des français, des ukrainiens.

Serge: Très bien.

Sonia: Et donc, notre première question.

Sandrine: Où êtes-vous maintenant?

Serge: Maintenant je suis dans mon bureau. Dans ma voiture à vrai dire. A côté de mon bureau qui se trouve à Gennevilliers, en région parisienne.

Sonia: Et donc on estime que maintenant c’est votre pause déjeuner.

Serge: Exactement, c’est ma pause déjeuner.

Sonia: Donc, désolée de ne pas vous laisser manger.

Serge: Il n’y a pas de problèmes. Je mangerai après.

Sandrine: Ce qui nous intéresse, c’est quel est votre métier? Qu’est-ce que vous faites?

Serge: Je travaille dans la logistique, transport-logistique. J’organise des transports de marchandises partout en Europe mais surtout entre la France et les pays de l'Europe centrale et orientale, Turquie, Géorgie, Russie, Kazakhstan et inversement, depuis ces pays vers la France. Nous organisons également des transports depuis /vers d'autres pays de l'Europe de l'Ouest, mais cela n'est pas l'essentiel de mon travail, ce sont d'autres collègues qui s'en occupent. 75% de notre travail est orienté vers l'export. Nous accompagnons les entreprises françaises dans leur développement et les aidons à exporter leurs marchandises.

Sonia: Votre entreprise c’est une entreprise de logistique, vous n’êtes pas le département logistique dans une autre entreprise?

Serge: On est vraiment transporteur: je travaille dans le département «route». Nous avons d'autres services qui gèrent le transport de marchandises par voie maritime, fluviale et aérienne.

Sonia: Vous vous concentrez sur l’Europe de l’Est, donc j’imagine que vous utilisez le russe et l’ukrainien pour le travail.

Serge: C’est une des raisons pour lesquelles j'ai été embauché. D’autres collègues maîtrisent l'allemand, l'espagnol, l'italien, le polonais et ils sont en charge des pays respectifs. Les compétences sont réparties par affinité de pays et surtout par connaissance de la langue et culture du pays.

Sandrine: Votre équipe est très internationale?

Serge: Ah, oui, il a des représentants de beaucoup de nationalités: français, allemands, polonais, africains, géorgiens, ukrainiens.

Sandrine: Où passez-vous votre temps libre, si vous en avez?

Serge: Ici, comme dans d’autres régions françaises, il y a beaucoup d’endroits que vous pouvez visiter dès que vous avez un moment libre. Je fais beaucoup de vélo, je sors souvent avec des amis pour aller au cinéma, au théâtre, visiter différents musées. J’aime beaucoup la culture, l’histoire, la «vieille pierre» et les beaux châteaux, pas uniquement ceux de la Vallée de la Loire, il y en a beaucoup également en Île-de-France. Il y a beaucoup d'activités à faire si vous voulez passer de bons moments. Quand il pleut ou il fait froid, je reste chez moi, je lis ou j’écoute de la musique, je cuisine… tout à fait banal.

Sonia: Petit sondage: quel est votre château, votre musée, votre livre préférés? Actuellement je veux dire?

Serge: J'aime beaucoup les Archives nationales, que j’ai visitées il y a peu de temps. Pour le château, c'est celui de Chenonceau. Un livre que j’aime beaucoup c’est celui que je lis en ce moment, qui explique comment trouver la motivation pour être toujours de bonne humeur quelles que soient les circonstances: c’est plutôt un livre qui remonte le moral. C’est très énergique, une fois que vous avez lu trois ou quatre pages vous avez le sourire, vous êtes content, il est très prenant et intéressant, pour «avoir la banane», comme on dit.

Sonia: Quel est l’auteur?

Serge: Florence Servan-Schreiber.

Sonia: On va chercher ensuite

Sandrine: Est-ce que vous venez souvent en Ukraine?

Serge: Une fois par an. Il m’est déjà arrivé d’y aller moins souvent que ça - une fois tous les deux ans.

Sonia: Dans quelle ville vous venez quand vous arrivez en Ukraine?

Serge: Chez mes parents, dans un village dans le sud de la région d’Odessa à côté de Reni.

Sandrine: Comment vous avez décidé de partir en France?

Serge: C’est une bonne question! Ça faisait longtemps que je voulais y aller, pas forcément pour y vivre, surtout pour visiter. Après mes études à la même fac que vous, j’ai été traducteur pour une chorale d’enfants qui venait en France pour des tournées de concerts, c’était dans les années 1999-2000. Je les ai accompagnés deux fois en France, deux années de suite, en été, pour une durée d’un mois à chaque fois. La France m’a beaucoup plu, surtout les français qui nous accueillaient toujours les bras ouverts. C’était très touchant de voir les français recevoir les étrangers, chaleureusement, chez eux, dans leurs maisons. Avant de venir en France, je m’intéressais beaucoup à son histoire, sa culture mais c'est quand j'ai rencontré les français que je me suis rendu compte de la vraie beauté de ce pays. Les français, ce sont eux qui m‘ont donné envie de venir.

Sonia: C’est ça qui vous a donné l’envie, mais comment ça s’est passé?

Serge: Je n'ai pas pu venir tout de suite: seulement en 2003, après avoir fait connaissance avec un français, qui est devenu mon ami par la suite. Je suis venu en France au printemps 2003, avec un visa touristique. Évidemment, il est impossible de travailler en France avec un visa touristique. J'ai déposé un dossier à la fac pour y faire des études car mon diplôme ukrainien n’était pas reconnu en France. J'ai été accepté et suis revenu avec un visa étudiant la même année en automne. J'ai terminé mes études et le reste a suivi.

Sandrine: Combien d’années d’études?

Serge: Quatre années d’études.

Sonia: Niveau M1?

Serge: Master 2, à l’époque ce niveau était appelé DESS.

Sonia: Quelle spécialité avait votre parcours?

Serge: Commerce international vers l’Asie. On apprenait comment travailler avec les chinois, comment les comprendre, ce qu’il fallait leur dire, ne pas leur dire, les spécificités du pays. J'ai également appris les techniques du commerce international, tous les documents qu’il fallait préparer pour que la transaction se passe dans les règles. J'ai trouvé très utiles les stages effectués lors de mes études en France , j'ai pu les comparer avec mon stage de fin d'études en Ukraine. En 5ème année d’études quelle est la durée de votre stage?

Sonia: En Ukraine, un mois et demi pas plus.

Serge: En France, il y a plusieurs types de parcours universitaires possibles, en fonction de l’école: si elle privée, publique, si c’est une fac ou un IUP, etc. Quand vous passez par une filière universitaire classique, vous pouvez faire un doctorat. J’aime beaucoup les sciences mais continuer ma vie professionnelle dans les sciences ne me plaisait pas. Je voulais aller directement dans le monde du travail c’est pourquoi j’avais choisi l’IUP, Institut Universitaire Professionnalisant. Mes études en France (je suis entré en L3) ont été complétées par des stages de 4 à 5 mois chaque année. Les stages m'ont permis de faire mes premiers pas dans l'entreprise – c'était pratique et facile pour trouver un emploi ensuite.

Sandrine: Dans quelle université avez-vous fait vos études?

Serge: Une partie de mes études à l'Université d’Évry Val d'Essonne, dans le sud de la région parisienne. Ensuite à Paris XI.

Sonia: Question par rapport à votre venue en France, votre première fois était touristique, et ensuite professionnelle. Il y a toujours une différence par rapport à la langue française qu’on apprend et celle que l’on parle, est-ce que c’était difficile avec l’accent, ou avec le langage courant?

Serge: Oui c‘était un peu difficile au tout début, plus exactement curieux, mais je m'y attendais. Le jour de mon arrivée en France j'ai regardé le Journal de 20 heures pour la première fois et j'étais surpris par le langage de la présentatrice car je n’étais pas habitué à cette mélodie, à ce rythme de la langue française. Cependant, j'ai passé assez vite cette étape car l'enseignement reçu en Ukraine était d'une qualité remarquable grâce à mes excellents professeurs, à leurs efforts, à leurs méthodes d'enseignement malgré les moyens de l'époque . La chance que vous avez aujourd'hui, avec Internet notamment, c’est que vous pouvez trouver des vidéos dans toutes les langues, c’est bien plus facile d’apprendre une nouvelle langue de nos jours. Et vous? En quelle année d'études êtes-vous?

Sonia: En 2ème année, moi je suis en traduction, c’est une nouvelle spécialité. Moi j’apprends pas le français à l’université, c’est Sandrine qui l’apprend.

Sandrine: Est-ce que vous avez des petits conseils pour les gens qui veulent à la fois apprendre les langues mais qui ont aussi le projet de déménager, soit en France, soit autre part, mais voilà: des conseils de quelqu’un qui l’a fait?

Serge: Je pense que vous avez un bel avenir en maîtrisant les langues mais il faut vraiment s’appliquer et bien apprendre. C’est important: plus on apprend, plus on se rend compte qu'il y a encore beaucoup de choses à apprendre, mais on comprend aussi que c'est très utile. Une fois que l’on a appris les bases d'une langue le reste suit plus facilement. Les études que vous faites sont importantes pour votre avenir et votre développement personnel et professionnel. Si vous voulez venir en France, intéressez-vous à son histoire, a ses traditions, à sa culture. Suivez bien également l'actualité, les changements qui ont lieu dans ce pays. Mon conseil est de suivre l’évolution au fil de l’eau et vous intéresser vraiment à la France, pas de manière superficielle mais passionnée, ça aide vraiment pour passer un cap important – le déménagement dans un pays étranger ne se fait pas sans difficultés. Certaines personnes ont ce problème: le mal du pays. Heureusement, mes amis français m'ont aidé à m'intégrer vite et bien.

Faites votre choix de vie avec votre cœur et votre esprit. Faites ce que vous avez envie de faire, allez là où vous avez envie d’aller. Le cœur vous guidera dans une direction alors que l’esprit vous orientera probablement dans une autre. Écoutez les deux! Cet équilibre vous permettra de réussir votre vie personnelle, professionnelle, sociale.

Sonia: Merci beaucoup pour ces conseils, pour votre temps. Juste pour que ce soit clair, on va retravailler cet entretient puis le traduire en russe ou en ukrainien et vous l’envoyer pour que vous nous disiez si c’est ok. L’interview devrait être publiée sur un site internet, pour l’année de la langue française en Ukraine. On vous demandera peut-être une photo. Merci beaucoup et bonne continuation de pause déjeuner.

Serge: Merci! Bonne continuation à vous aussi. Insistez, travaillez bien et vos efforts vous mèneront vers la réussite.

On tient à remercier Serge Bragaru pour sa participation à ce projet.

Réalisé par: Sonia Youkhimova et Sandra Zadorojna