C'est une interview avec Anton Vechirka. Anton est enseignant et traducteur, vit à Kiev, diplômé de l’Université d’État de Sumy, a suivi des formations en France.

24 novembre 2018, Skype, communication audio sans image, Odessa – Kiev.

 

  1. Quel était votre objectif d'apprentissage du français?

    Le but d'apprendre la langue française était très simple. J'étais toujours intéressé d'apprendre les langues étrangères et ... Avant d'entrer à l'université, j'ai eu le choix entre l'anglais, l'allemand et le français comme langue principale, et j'ai choisi le français parce que cela donnait plus de possibilités, par exemple, pour apprendre d'autres langues romanes, et l'anglais en tant que deuxième langue était enseigné assez bien. En principe, je pense que le premier objectif était plutôt pragmatique. Ce n'est qu'après avoir commencé à apprendre le français que j’ai commencé à comprendre certaines nuances et certains détails intéressants, mais au début de mes études, je ne m'intéressais que ... à certains avantages liés à l'apprentissage du français.

  2. Pourquoi c'était le français, pas l'espagnol ou une autre langue?

    Parce qu’à l’université, à ce moment-là, il était possible d'étudier le français, l’allemand ou l’anglais comme première langue. Aussi j'ai commencé à apprendre l'espagnol dès la première année, mais c’était comme un facultatif, c'était la troisième langue étrangère, je ne pouvais pas la choisir comme première.

  3. A quel point la connaissance de cette langue est demandée en Ukraine?

    Ce n'est pas une question simple. Les derniers temps, il m'a semblé que la demande augmente mais, malheureusement, pour des raisons peu positives. De nombreuses personnes tentent ou vont s'installer au Canada et en France – et с'est pour cela que la demande augmente. Et comme ça, en moyenne, malheureusement, il me semble que ... le français est moins demandé ... que l'allemand, par exemple . Je ne peux pas dire, pour être honnête, à quoi c'est lié , mais beaucoup de gens l'apprennent pour son image romantique, pour sa beauté, etc. Mais que ce soit une langue étrangère qui pourrait rivaliser avec la popularité de l’anglais, – c'est dommage, mais non, on n'a pas ça.

  4. Etes-vous allé en France et pendant combien de temps?

    Oui, je suis allée en France. Au total ... pas beaucoup environ pendant trois semaines et la dernière fois, c'était il y a six ans.

  5. Dans quelle ville vous êtes allé et dans quel établissement vous avez été accueilli en formation?

    A Metz, à l'Université Paul Verlaine.

  6. Et à part Metz, êtes-vous allé ailleurs en France?

    Oui, je suis allé à Paris et ... et c'est tout. Récemment, j'ai voyagé, mais pour X raisons, je ne suis pas allé jusqu'en France. Il va falloir arranger ça.

  7. A quel point la vie quotidienne en France diffère-t-elle de celle qu'on a en Ukraine?

    Je ne pense pas que j'aie passé assez de temps là-bas pour répondre plus ou moins complètement à cette question, mais ... je pense que cela diffère sur plusieurs points importants. Avant tout, il me semble que les Français sont moins dérangés par les problèmes quotidiens. Problèmes quotidiens au sens le plus large. On voit souvent que les gens sont moins tendus, qu'ils ont moins de pensées qui ne leur permettent pas de se détendre, se reposer etc. Peut-être cela est dû à autre chose: la mentalité, une attitude plus philosophique envers les problèmes. Et la vie quotidienne est plus lente et plus détendue – c'est ce que j'ai tout de suite remarqué.

  8. De combien de temps avez-vous eu besoin pour vous habituer à ce pays?

    (il rit) Je ne peux pas dire que je m'y suis habitué, comme j'ai dit, j'ai passé trop peu de temps là-bas. Même si j'y étais allé plusieurs fois, ce ne serait pas suffisant pour m'y habituer. Mais pour m'habituer dans le sens de me sentir normal et naturel ... Je ne sais pas, très peu de temps. C'est-à-dire que je n’ai ressenti aucune barrière qui me détournerait de ce que j’allais faire là-bas, je ne sais pas, les affaires quotidiennes, comme aller aux restaurants, aux magasins, etc. Je me rends compte que si j'étais resté là-bas pendant un moment encore, je ne ressentirais aucun problème.

  9. Quels stéréotypes sur la France et les Français pourriez-vous qualifier de plus infondés?

    (il rit) Je ne sais pas à quel point ces stéréotypes sont courants, mais c’est ce que j'ai entendu, par exemple, des représentants d’autres nationalités, et pas seulement des Ukrainiens. C'est, je ne sais pas pourquoi, c'est l'avarice . Eh bien, ce n'est pas l'avarice, c'est plutôt ce qu'ils sont trop économes. Mais cela me semble totalement infondé, car les Français savent bien passer leur temps et pour cela, de l'argent, ils en dépensent sans regret. Peut-être il y a le stéréotype selon lequel les Français sont romantiques, je ne pense pas que la romance, que ce soit différent, par exemple … même si on compare avec les Ukrainiens.

  10. Pensez-vous que la mentalité ukrainienne et française se ressemblent?

    C'est une question difficile. Si vous me demandez, je ne pourrai pas déterminer si les traits de la mentalité française ... Peut-être que c'est typique pour les Ukrainiens, de raisonner de cette façon, mais un des traits communs, il me semble que les Français et les Ukrainiens donnent la priorité, par exemple, à leurs propres droits politiques et libertés qui passent devant la possibilité de se sentir libre économiquement, c'est plus important que la possibilité de bien vivre. Ils donnent la priorité au respect de soi, au respect des lois, etc.

  11. Comment pouvez-vous décrire l'attitude envers les Ukrainiens en France?

    Je pense que depuis 6 ans, depuis mon dernier séjour, je pense que cela a changé, au moins les Français ont commencé à mieux comprendre ce qu'est l'Ukraine. En 2012, j'y étais juste lors de l'Euro 2012, qui s'est tenu en Ukraine. Et les gens avaient déjà compris qu'à ce moment-là il y avait beaucoup de Français en Ukraine et ce qui se passait en Ukraine. En 2012, 100% des Français n'avaient aucune attitude envers l'Ukraine en général, je pense, « c'est un pays qui se situe quelque part après la Pologne», voilà ce qu'on se disait. Je n'ai jamais rien entendu, aucune pensée plus ou moins originale, c'étaient juste des questions générales posées par courtoisie et non par curiosité. Je pense que maintenant, évidemment, les Français que j'ai rencontrés à Kiev, bien sûr, ils s'intéressent déjà beaucoup plus, la plupart des Français soutiennent certainement l'Ukraine à présent, mais comment ça se passe en France, je ne le sais pas.

  12. Cette attitude est-elle différente de celle qui existe envers les Français en Ukraine?

    Je ne sais pas. En ce qui concerne l’attitude des Ukrainiens envers la France, il me semble que c'est l'image féerique et romantique de la France qui domine, ça c'est un côté. Et de l’autre côté, on est aux antipodes, beaucoup d’Ukrainiens ont une image assez négative, ce qui est dû au nombre d’immigrés actuellement en France. C'est-à-dire, comme je le vois, certaines personnes pensent que la France en réalité elle est telle qu'elle est représenté dans le film “Amélie”, alors que d’autres pensent qu’en France, c'est sale partout, les lois ne fonctionnent plus, la police ne peut rien faire, parce que il y a des réfugiés partout, etc.

  13. Chez les Ukrainiens et les Français, quels traits de caractère vous plaisent?

    J'ai toujours aimé l'autodérision et une attitude sarcastique des Ukrainiens face à des problèmes. Ce que j'aime chez les Français, c'est l'évaluation a priori critique de toute chose. C'est un stéréotype et c'est aussi une réalité. C'est toujours intéressant d'observer ça. Cela se manifeste d'une manière ou d'une autre, si on travaille dans une équipe internationale. Les Français seront le premiers à exprimer leur mécontentement d'une manière ou d'une autre. C'est difficile à expliquer, mais en fait, les Français sont toujours les premiers, sans avoir compris la situation, à se montrer très prudents et critiques à l'égard de tout changement ou des choses nouvelles.

  14. A votre avis, de quels changements l'Ukraine a-t-elle besoin?

    Je ne sais pas. Ici, on peut parler assez longtemps des changements, car en comparaison avec la France, qui a déjà son statut d'État depuis plusieurs siècles, c'est une société civile formée, en Ukraine tout commence à peine à se former. Et maintenant, je ne vois aucun changement fondamental ... Bien sûr, il y a des problèmes politiques qui peuvent être résolus et mis en œuvre rapidement. Il s'agit de la formation d’une société civile et de cette conscience nationale qui se passe maintenant sans aucun doute d'une façon active. Mais en France, ça a commencé à la fin du XVIIIe siècle. С'est pourquoi, on ne peut pas encore dire de quoi exactement l'Ukraine a besoin par rapport à la France, ceci sans dire que l'Ukraine a sûrement besoin de beaucoup de temps.

  15. Dans l'avenir, aimeriez-vous vivre en France et pourquoi?

    Dans l'avenir, j'aimerais vivre en Ukraine. Si pour X raison je devais quitter l'Ukraine, je choisirais alors la France pour y vivre et je pense que la raison principale de mon choix, c'est que j'aime la langue, la culture, pour moi la question linguistique est une question fondamentale. Je ne pense pas que je puisse, par exemple, avec une maîtrise relativement libre de l'anglais et de l'espagnol, me sentir très bien dans les pays anglophones et hispanophones. Il est très important pour moi de vivre dans une société où la question linguistique ait le moins d'importance.

  16. Quels sont vos livres ou vos auteurs préférés?

    Parmi les auteurs français, je conseillerais de lire B. Vian, R. Queneau. Ce sont les deux auteurs qui, à mon avis, montrent le mieux ce qui diffère la France des autres pays. Si vous lisez en version originale, cela permet de voir très bien les caractéristiques de la langue française, sa vision du monde, un humour particulier etc.

On tient à remercier Anton Vechirka pour sa participation dans notre projet.

Traduction de l'ukrainien vers le français : Katerina Soudarkova